Mes réflexions (Thierry Buvat Président du comité départemental d’escrime 91)

Les Jeux Olympiques viennent de se terminer et bien évidemment l’heure du bilan a sonné. C’est une tradition, sauf que pour notre sport si nous n’avons pas brillé au sens sportif du terme, médiatiquement les résultats sont au rendez-vous, c’est le moins qu’on puisse dire ! L’escrime, sport le plus grand pourvoyeur de médailles n’est plus qu’un passé récent. Ce n’est certes pas une fatalité mais une triste réalité qu’il faut accepter car de mémoire, et sauf erreur de ma part, c’est la troisième olympiade depuis la création des jeux que l’escrime n’a aucune médaille. Maintenant loin des derniers tapages médiatiques, plusieurs analyses sont à faire et plusieurs questions doivent trouver leurs réponses.

Souvenons-nous, et bien avant Londres, d’autres fédérations sont rentrées bredouilles et leurs athlètes tristes comme par exemple la natation et le judo ! Et oui pourtant cette année et rien que pour le judo 7 médailles (peu importe le métal) sur 14 possibles sont rentrées à la maison !

Les jeux olympiques, sont des rendez-vous incontournables pour les fédérations mais aussi pour les compétiteurs qui donnent tout pour y participer et pour ramener une médaille. Oui mais voilà, pour que tout cela fonctionne il faut s’y préparer, sachant que quatre années cela laisse du temps pour mettre en place une stratégie.

Pour quelques nations il s’agit d’une véritable propagande et même si la France ne doit pas en arriver là il faut peut-être prendre exemple sur certaines d’entre elles. Elles savent allier pragmatisme, travail et pratique rigoureuse (amateur ou professionnelle).

Enfin, pour terminer sur les préliminaires, une évidence s’impose : le nombre des pays représentés est en augmentation. Il devient donc de plus en plus difficile de faire sa niche et de se maintenir parmi les meilleurs. L’escrime reste confidentielle pour la très grande majorité de nos concitoyens, mais ils se souviennent d’elle pendant les jeux. Quand on repense à la couverture médiatique de cette année (surtout l’épée femme) le grand public a bien perçu que nous étions en crise. J’ai été personnellement interpellé par beaucoup de personnes sur nos bien piètres résultats. Pour l’anecdote comme président d’un comité départemental un de mes arguments phares pour obtenir des subventions tombe à l’eau. Donc ici pas de mauvais procès ni de règlement de compte stérile mais une prise de conscience pour repartir avec des bons « fondamentaux ». L’article d’Isabelle Lamour sur son blog prend un sens profond et les arguments qu’elle y développe sont tangibles.

Je ne suis certes pas technicien, mais expert en apprentissage, en recrutement de talents et en pédagogie. A ce titre, et comme pour tout projet, la formation des bons escrimeurs passe par une ingénierie qui intègre tous les paramètres de l’environnement. La France (et donc les français) n’a pas d’appétence pour le sport en général, c’est une réalité même si pendant ces 15 jours une communion existe autour des athlètes et les « valeurs » de l’olympisme. Ainsi, il est difficile de faire coexister excellence sportive, vie de tous les jours, formation et développement professionnel pour les tireurs compétiteurs.

Certaines fédérations (je mets ici le foot de côté hors normes), voire aussi au-delà de nos frontières, ont trouvé des solutions entre la pratique amateur très encadrée ou/et le professionnalisme. Pour l’escrime, comme pour d’autres sports, elle nécessite un environnement sportif et politique différent. Nous ne sommes plus les meilleurs,nous sommes avec les meilleurs du monde. La chance de notre sport : pouvoir se pratiquer jusqu’à plus de trente ans, ce qui permet de bien préparer et accompagner nos élites, mais aussi et surtout nos espoirs. Pour cela il faut une stratégie lisible, forte pour favoriser un travail régulier.

Pour avoir suivi de près quelques tireurs (au fleuret) pendant les circuits nationaux et d’un bon niveau pour certains, je confirme qu’il existe une réelle incompréhension entre eux, athlètes, pourtant épaulés par les équipes de bénévoles (clubs, comités, etc.) maitres d’armes, et la FFE. Il y a sans nul doute des dérives financières (je ne suis ni compétent ni habilité pour en parler) mais il y a des aberrations sur des choix sportifs avec une génération montante sacrifiée d’où une relève qui a du mal à se reconstruire. Les jeux ont mis au jour un malaise qui couvait depuis plus de 4 ans.

Fort de ces remarques, je peux me tromper et suis prêt à en débattre, il me semble que plusieurs propositions sont possibles mêmes si le pouvoir des clubs et des comités départementaux est limité. Ces propositions émanent de mes réflexions et tiennent compte de ma responsabilité. On trouvera ci-dessous quelques pistes.

– Faire de la veille. Prendre des contacts avec les autres fédérations qui ont connu ces mêmes difficultés et qui gèrent surtout des sports aux règles et valeurs similaires à l’escrime. Très modestement il faut savoir que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Les échanges sur les expériences évitent de reproduire les erreurs.

– Détecter des jeunes talents. Cela se fait certes déjà, mais plutôt que de le faire sur peu de compétitions et sur un laps de temps court,  l’intégrer sur plusieurs années (deux ou trois maximum) afin de favoriser des performances globales plutôt qu’instantanées. Avoir pour cela des critères clairs et lisibles.

– Favoriser les échanges. Donner aussi des « bonus » dans les classements en valorisant des tireurs qui de leur propre initiative se déplacent pour des challenges même au de-là des frontières. Des initiatives régionales pourraient ainsi voir le jour et favoriser la mixité des niveaux. Un avantage : montrer aux jeunes tireurs qu’un déplacement, même sans la sanction directe du classement national a une valeur sportive.

– Encadrer et aider les clubs. Sans pour autant faire de l’entrisme, un accompagnement bien veillant, plutôt que contrôlant de la FFE dans l’organisation des compétitions des circuits, pourrait favoriser les initiatives. Par expérience, les Présidents de club se retrouvent parfois un peu seuls !

– Accompagner les jeunes tireurs dans leurs études. Les questions sont récurrentes. Comment concilier la pratique du sport de haut niveau, je pense surtout aux espoirs futurs élites, et la poursuite des études ? Comment permettre à ces jeunes (empêchés) d’entrer normalement dans les cursus d’enseignements supérieurs ? Comment les rassurer (ils ne seront pas tous représentant de la délégation France), mais aussi et surtout leurs parents, pour leur dire que la pratique de l’escrime de haut niveau n’est pas incompatible avec leur carrière professionnelle ?

– Trouver des nouvelles ressources financières. Travailler sur le positionnement politique et stratégique de la FFE. Vaste débat qui va bien au-delà de notre sport mais qui remet en cause le rôle du sport et de sa pratique dans notre pays. Il me semble que notre nouvelle ministre (pour l’avoir entendu interviewée pendant les jeux) y est sensible. De mémoire les résultats de l’escrime s’étaient invités au sein du débat.

– Professionnaliser l’encadrement. Au sens technique du terme, mais faut-il sans doute d’autres moyens ? N’étant pas technicien il me serait impossible de décrire à priori les bonnes solutions, mais nous avons je crois perdu des talents et des compétences qui sont partis à l’étranger. Pourquoi ?

Bref, il y a du travail. Ceci est une simple et modeste réaction (contribution).

Thierry Buvat.

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